mardi 2 septembre 2008

BCT ou ODC ?

Nizar BAHLOUL.businessnews.Jeudi dernier, et comme elle le fait chaque mois, la Banque Centrale de Tunisie a publié un communiqué, suite à la réunion de son conseil d’administration. Dans ce communiqué, on appelle, une énième fois, à la rationalisation de la consommation. Dans le fond et dans la forme, les propos sont sensés, mesurés et pesés. Sauf qu’ils donnent l’impression d’un décalage total avec le public auquel ils sont destinés : le citoyen tunisien. Peut-on croire un instant qu’un Tunisien puisse rationaliser sa consommation à la veille et au cours du mois de Ramadan, à quinze jours de la rentrée scolaire et à un mois de l’Aïd ? A moins qu’il y ait un manuel d’emploi pour ce faire, il n’existe aucun Tunisien capable de se priver de quoi que ce soit pour ces trois rendez-vous. Et si un tel manuel existe, cela se saurait. Après s’être engagé dans des crédits pour ses vacances (une agence proposait même des facilités sur trois ans pour des vacances qui ne durent pas trois semaines), voici le Ramadan. Imagine-t-on un Tunisien qui ne renouvelle pas son service vaisselle (assiettes, verres, bols etc.) à la veille du Ramadan ? Conçoit-on un Tunisien qui accepterait de rompre son jeûne sans entrée, plat principal et dessert, tous bien copieux, abondants et accompagnés de pain spécial compensé et vendu au prix fort ?A-t-on déjà vu un Tunisien qui n’achète pas des sucreries béjaoises (M’khareq et Zlébia), de la Bouza (crème à la noisette) et du Drôo (crème au sorgho) pour ses soirées ramadanesques ? Y a-t-il un Tunisien qui fêterait l’Aïd sans vêtements neufs pour toute la famille ? Que serait cet Aïd s’il n’y a pas des kilos de gâteaux traditionnels et des centaines de dinars distribués aux enfants sous forme de Mahba ? Comment le Tunisien pourrait résister à cet appel à la consommation des grandes surfaces quand on lui propose promo sur promo, des remises et des soldes et même des chariots gratuits et des cadeaux tous les ¼ d’heure ? Que d’"impératifs sacrés" auxquels le Tunisien ne saurait ne pas sacrifier jusqu’à son dernier millime ! La frénésie des achats le conduit même au surendettement et au déséquilibre budgétaire. Que la BCT appelle à rationnaliser la consommation autant qu’elle veut, le sacré demeure sacré jusqu’à la nuit des temps pour le Tunisien.En revanche, si la BCT y tient, le Tunisien serait prêt à rationnaliser d’autres choses : le travail, les heures au bureau ou le rendement, par exemple.Pour preuve, cette note fixant les horaires de travail du Ramadan : 9 heures-15 heures. Voilà une mesure qui sied parfaitement au Tunisien !Veiller tardivement, faire la grasse matinée et se lever tard pour aller au boulot, quatre heures après le lever du soleil, le Tunisien saurait le faire. Après les salamalecs d’usage, l’attente du démarrage de l’ordinateur, les débats intellectuels sur la série et le feuilleton télévisés, on peut alors commencer à travailler. Il est déjà 10 heures. A midi, il sera grand temps d’aller faire le marché. C’est le quotidien du Tunisien durant le mois du Ramadan lorsqu’il n’est pas en congé. Quand il le veut, le Tunisien peut être le roi de la rationalisation. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que la BCT commence à ressembler légèrement à l’ODC, cette Organisation Donneuse de Conseils qui se présente comme l’Organisation de Défense du Consommateur. Des conseils dont tout le monde se passe, tant ils sont en décalage avec le quotidien "sacré" du Tunisien. Et pourtant ! Nous sommes, à l’instar de plusieurs autres pays sans rente pétrolière, en crise et il est impératif de modérer notre consommation. Sur le court, le moyen et le long terme, la BCT n’a que raison et ne fait que tirer la sonnette d’alarme. Elle ne cesse de la tirer depuis quelques mois, sans que cela ne semble interpeller quiconque. C’est ce qu’on appelle un cri dans le désert.

Aucun commentaire: